On s’était bien amusé avec « Smonk ou la ville des veuves », épopée humoristique où Tom Franklin contait les déboires occasionnés par l’arrivée dans une petite ville du sud ouest de l’Alabama d’un personnage veule, tricheur invétéré, tueur de bétail, séducteur de femmes et grand amateur de prostituées.
Avec « Le retour de Silas Jones » l’auteur américain change radicalement de registre et livre un grand roman sudiste au suspense haletant.

Une vingtaine d’années plus tard, une autre jeune fille disparaît. Toute la ville est en émoi, et tout naturellement, c’est vers Larry que se portent les soupçons…
Ici, deux points de vue alternent, celui de Larry et celui de Silas, le Blanc paumé et le flic noir. L’histoire progresse par flash-back qui dévoilent progressivement les mécanismes de la tragédie, à la façon d’un puzzle qui se mettrait en place pièce par pièce. L’immersion dans le passé va ramener à la surface tous les grands démons de l’Amérique, et c’est là que Tom Franklin est très fort : moins lyrique qu’un Faulkner, plus distancié que Caldwell, il livre une histoire brute qui prend aux tripes. Alcool, violence, mensonge, trahison, confrontation raciale, armes en vente libre… Et face à la laideur du monde : le personnage de Larry, adolescent empêtré dans son grand corps maladroit, qui donnerait tout l’or du monde pour qu’on l’aime.
Si l’on se prend à rêver, on imagine une adaptation cinématographique de Bertrand Tavernier, mais il a déjà réalisé « Dans la brume électrique ». Dommage…